Une saga culte
Arthur Dent (Martin Freeman) est un londonien sans histoire. Un jour, trois événements délirants lui tombent dessus : sa maison va être détruite pour laisser place à une route. Son meilleur ami Ford Prefect (Mos Def) lui apprend qu’il est un extra-terrestre venu de Betelgeuse : il travaille comme critique gastronomique galactique pour Le Guide du Voyageur Galactique, document indispensable à tout globe-trotter de l’univers. Pour finir, la Terre va être démolie pour laisser place à une route galactique. Ford et Arthur parviennent à s’échapper de la Terre quelques secondes avant son explosion.
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Le robot dépressif Marvin dans H2G2 |
Ensemble, ils vont vivre des aventures loufoques qui les conduiront à rechercher la question ultime sur la Vie, la Mort, l’Univers, et le Reste, tout en échappant aux bourrins Vogons.
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Arthur Dent (Martin Freeman), Zaphod Beeblebrox (Sam Rockwell), Trillian (Zooey Deschanel) et Ford Prefect (Mos Def) dans H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique, réalisé par Garth Jennings (2005) |
« D’après une théorie, le jour où quelqu’un découvrira exactement à quoi sert l’Univers et pourquoi il est là, ledit Univers disparaîtra sur-le-champ pour se voir remplacé par quelque chose de considérablement plus bizarre et inexplicable.
Selon une autre théorie, la chose se serait en fait déjà produite. »
Cet exergue de Salut, et encore merci pour le poisson, 4e livre de la Trilogie en cinq volumes (oui oui) de Douglas Adams, résume bien l’univers singulier des héros du Guide du voyageur galactique, space opera parodique devenu culte en Grande-Bretagne.
Une saga transmedia
Cette saga, croisement entre le space opera et les Monty Python, fut l’un des premiers projets transmedia : d’abord feuilleton radiophonique, elle fut déclinée en romans (six en comptant la suite écrite par Eoin Colfer), série TV, comics, pièces de théâtre, jeu vidéo, et enfin le film.
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La réaction de Marvin (Warwick Davis, voix : Alan Rickman) devant le succès de la saga |
La saga est entrée dans la culture populaire via plusieurs éléments : le générateur d’improbabilités, Le Dernier Bar avant la Fin du Monde (bars geeks de Paris et Lille) et la catchphrase « Don’t Panic! ».
La
célébrissime Réponse à la Grande Question sur la Vie, la Mort,
l’Univers, et le Reste, soit 42, a été l’objet d’innombrables memes
Internet. D’ailleurs, à l’heure actuelle, on ne sait toujours pas quelle
est la question…
Surtout, nous publions cet article le 25 mai, jour béni nommé « Towel day » ou jour de la serviette. Les fans du grand auteur de SF aiment à rappeler ce jour-là que l’outil le plus important de tout voyageur galactique est… la serviette.
Malgré la popularité de la saga, ce n’est que 27 ans après le feuilleton radio original, et un gros parcours du combattant, qu’on a pu savourer une adaptation cinéma, H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique, co-écrite par l’auteur lui-même, juste avant sa mort, survenue avant même le début de la production (et 4 ans avant la sortie du film). Qu’en penser ?
Un style plus littéraire que cinématographique
Lecteur enthousiaste de la saga, il m’a fallu reconnaître un défaut : Adams a beaucoup de mal à écrire une histoire. À l’exception du 3e volume La Vie, l’Univers, et le Reste (que je considère pourtant comme le plus mauvais), et la dernière partie du premier, Adams ne donne presque jamais à ses personnages des enjeux, des désirs, des missions…
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Plus cher désir d’Arthur Dent (Martin Freeman) dans H2G2 : Le Guide du voyageur galactique : trouver du thé potable dans la Galaxie (véridique) |
Faute d’un vrai scénario, la saga d’Adams se déguste surtout pour l’imagination titanesque de l’auteur. Son humour est avant tout littéraire, fort de descriptions et de digressions à l’absurdité rafraîchissante. Il aime se focaliser sur des situations avec peu d’action, et les conter avec force détails comiques. Grâce à tout cela, l’absence d’histoire ne pèse pas lourd devant le torrent humoristique de l’écrivain. Son humour, ni visuel, ni narratif, passe simplement mal sur grand écran.
Un problème de rythme
Voilà la source des problèmes du film H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique : la majeure partie du comique provient de la voix off du Guide, trop présente, et qui freine l’action. L’action ne s’installe que très tard, après 45 minutes d’une longue mise en place. Si elle était justifiée dans les livres grâce à l’humour jaillissant à chaque phrase, ce n’est pas concevable au cinéma où l’action ne peut démarrer si tard.
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Les terreurs effrayantes d’ H2G2 : Le Guide du voyageur galactique : Ford Prefect (Mos Def), Arthur Dent (Martin Freeman), et Zaphod Beeblebrox (Sam Rockwell) |
On aurait pu imaginer une immixtion (joli mot, hein ? Il fait au moins 20 points au Scrabble) d’éléments des romans postérieurs dans le scénario pour le rendre plus nerveux, ce qui sera le choix de Jamais Contente.
Le film accuse un vrai problème de rythme : resserrée sur la dernière heure, l’intrigue a du mal à se développer, et les adversaires sont trop éparpillés.
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Vue de Magrathea, planète légendaire d’H2G2 : Le Guide du voyageur galactique |
L’autre problème est posé par le budget : 50 millions de dollars, ce n’est pas assez pour rendre justice aux inventions d’Adams, à ces planètes aux habitants très spéciaux. On est condamné à n’en voir qu’une petite partie. La plupart des décors font très cheap.
British touch
Malgré tout, H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique parvient à divertir. Il le doit d’abord à son casting. Face à la perspective de voir un classique de leur pays porté à l’écran, il était évident que tous les plus grands acteurs de Grande-Bretagne allaient se bousculer. On retrouve d’ailleurs dans la saga H2G2 une grande partie de la bande à Potter.
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Excitée à l’idée de jouer dans H2G2 : Le Guide du voyageur galactique, Trillian (Zooey Deschanel) découpe un toast avec un sabre laser miniature |
Alan Rickman, Helen Mirren, et Stephen Fry prêtent leur voix au film. Parce que le film est co-produit par les Américains, s’y ajoutent quelques vedettes d’outre-Atlantique, dont le rappeur Mos Def, et la délurée Zooey Deschanel, qui rôde déjà avec brio son futur personnage de Jessica Day dans l’attachante sitcom New Girl.
Leur jeu est toutefois si décalé, en apesanteur, qu’ils se rapprochent de la tradition d’un burlesque britannique.
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Jessica Day (Zooey Deschanel) dans la sitcom New Girl d’Elizabeth Meriwether (2011-2018) |
De plus, Douglas Adams, assisté de Karey Kilpatrick, nous a laissé une surprise : au milieu d’H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique, il vire de bord, et introduit une nouvelle intrigue et un nouveau personnage, gourou allumé campé par un Malkovich hilarant, non loin du méchant d’opérette terrassé par les gaffes de Johnny English !
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Humma Kavula (John Malkovich) dans H2G2 : Le Guide du voyageur galactique. Il a trouvé la parade pour gagner tous les concours de bouffe de la Galaxie sans avoir mal au ventre |
50 nuances de comédie
Les personnages d’H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique ont tous un humour propre : celui des gestes pour Dent, pince-sans-rire pour Ford et le narrateur, grotesque pour Zaphod, 100 % British pour Trillian, de répétition pour Marvin. La comédie est très variée, et les acteurs parviennent à tirer tout le jus de leurs stéréotypes.
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Questular Rontok (Anna Chancellor) et le Grand Prostetnik Vogon Jeltz (Richard Griffiths) dans H2G2 : Le Guide du voyageur galactique |
La mise en scène de Garth Jennings regorge de belles trouvailles. Malgré son budget insatisfaisant, il réussit quelques scènes d’anthologie : le numéro d’ouverture « So long and thanks for all the fish » couplé au ballet de dauphins est irrésistible.
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Un petit effet secondaire du Générateur d’Improbabilités dans H2G2 : Le Guide du voyageur galactique |
L’univers en folie
Affaibli par son absence de scénario, H2G2 : Le Guide du Voyageur Galactique séduit tout de même, par ses personnages cramés du bulbe, son ton si anglais, et son Univers en Folie. Parmi les différents médias, l’adaptation cinéma reste cependant loin derrière les feuilletons radio et TV, sans parler des romans.