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Pour l’interview de Ryan Gosling et Reda Kateb, c’est ici
Ryan Gosling nous propose, dans son premier film, une Atlantis sombre. Nous sommes à Detroit, dans le Michigan, cette région défavorisée qui a vu naître Michael Moore. Le documentariste nous a montré à plusieurs reprises cet ancien berceau du rêve américain. General Motors y offrait une manne d’emplois, avant de fermer ses portes et mettre les habitants de Flint, ville natale de Moore, au chômage.
Par l’humour, Le cinéaste avait tenté de sauver Flint de la misère. De Roger Smith, patron de General Motors qu’il n’a jamais réussi à rencontrer, à Phil Knight, PDG de Nike à qui il a proposé d’ouvrir une usine à Flint, Moore a essayé de redonner espoir aux habitants, et de montrer au monde leur courage. Il dénonçait à cette occasion l’absurdité des entreprises, symbole du rêve américain, qui refusent pourtant de faire travailler leurs compatriotes.
Oui, Detroit est de ces villes que l’on filme comme Michael Moore: le décor de documentaires sociaux, sensibles, drôles si l’on a son talent.
On n’avait jamais filmé le Michigan de façon poétique. Ryan Gosling y est parvenu.
Lost river, film social ?
Dans les premières minutes, Lost River apparaît naturaliste, sorte de documentaire magistralement filmé, avec cet autochtone qui parle de la région au jeune Bones, héros du film (le très doué Iain De Caestecker)
Des images de films sociaux à l’anglaise viennent à l’esprit, comme Le Géant égoïste, où un gamin de Bradford tentait de survivre, lui aussi, en revendant du cuivre.
Affiche française du film Le Géant égoïste, de Clio Barnard (2013)
Dans son allégorie poétique, Ryan Gosling nous parle social, mais en filigrane. Billy, mère célibataire, est l’une des nombreuses victimes de la crise immobilière des subprimes, et essaie de toutes ses forces de conserver sa maison.
On trouvait le même thème dans Winter’s Bone, où une adolescente (incarnée par Jennifer Lawrence) se lançait à la recherche de son père à travers le Missouri pour sauver la maison familiale.
Affiche du film Winter’s Bone, de Debra Granik (2013) avec Jennifer Lawrence
On remarqueta une similitude entre l’affiche de Winter’s Bone et la sombre rivière du film de Gosling.
Quelques subtiles références permettent à Ryan Gosling de démonter le rêve américain.
Le slogan de George W. Bush, « No child left behind » (« Aucun enfant laissé sur le bord de la route ») est d’une ironie terrible dans une école désertée.
Même si le genre du film social est très apprécié à Cannes (Lost River a été sélectionné dans la catégorie « Un certain regard ») on ne peut pas dire que le film de Gosling en soit vraiment un. Comme il l’a expliqué lors de l’avant-première (je publierai l’échange prochainement) il a réalisé un film universel.
Devant Lost River, j’ai pensé à Lynch, de Palma, Cronenberg, Kubrick, et Ryan Gosling m’a également détrompée, en évoquant, avec humour et modestie, « un Goonies sombre. »
Affiche des Goonies, de Richard Donner (1985)
Jacques Brel disait « Je préfère me tromper que me taire. » Je vais donc, dans cette analyse, me tromper. J’espère le faire avec talent.
Les Goonies sont des chasseurs de trésor. Dans Lost River, Rat (divine Saoirse Ronan) raconte la légende de Lost River, qui dit que la rivière a englouti des villages entiers, et que le village même où elle et Bones grandissent paraît sous l’eau. Selon la légende, il faut faire remonter un objet à la surface pour briser la malédiction. Bones jouera donc au chasseur de trésor pour mettre fin au sortilège.
Billy, la mère de Bones et de Jack, son petit frère, est sous l’eau. Elle manque d’argent, et acceptera le pire pour survivre. Il s’agit pour elle et les siens de sortir la tête de l’eau au sens littéral, et éviter la noyade.
L’allégorie, c’est cette galerie de personnages aux noms évocateurs: Bones (os) Rat, et Bully (brute, harceleur) ont l’air de monter une morality play, pièce de théâtre où les personnages incarnent chacun un symbole, révélé par leur nom.
Saoirse Ronan (Rat) dans Lost River, de Ryan Gosling (2015)
Symbole aussi, pour Reda Kateb que l’on voit peu mais toujours à des moments-clé, et qui dénonce, par des répliques géniales de simplicité, le mensonge du rêve américain.
Références à l’affiche
La ville filmée par Gosling semble flotter, même les maisons en flammes.
Maison en feu dans Lost River, de Ryan Gosling (2015)
C’est pendant ce plan que j’ai pensé à Lynch. Ce Lost River me rappelle étrangement Lost… Highway.
Maison en feu dans Lost Highway, de David Lynch
L’une des affiches insiste sur la dimension Lynch / Cronenberg du film de Gosling:
Affiche de Lost River
Affiche de Lost Highway, de David Lynch (1997)
Affiche de Faux-Semblants, de David Cronenberg (1988)
Une autre sur sa dimension sociale façon drame à l’anglaise (celle de Cannes, bien sûr)
Une autre appuie sur ses références au cinéma des années 70/80, ces films d’horreur de série B que l’on louait au vidéo club.
Maison hantée dans Amityville, la maison du diable, de Stuart Rosenberg (1979)
La dimension gore du film ravira les amateurs de cinéma d’horreur italien façon Dario Argento.
L’affiche française a choisi le couple prêt de se noyer:
Il y a enfin cette affiche, et cette fameuse porte.
La rivière perdue a des allures de Styx, fleuve des enfers. La porte est celle du café de la perdition, justement reprise du café de l’enfer, à Paris.
Ce café a réellement existé, et Gosling a utilisé la porte originelle pour son film.
Au 19ème siècle, on s’amusait à aller boire un verre dans ce repaire du diable, qui se trouvait, je vous le donne en mille… dans le quartier de Pigalle.
Bienvenue au café de l’enfer (Attention Spoilers)
Or, Billy travaille dans cet étrange café où l’on vient admirer des beautés se mouvoir dans une danse macabre. Parmi elles, la sublime Eva Mendes.
Eva Mendes dans Lost River
Billy, sans le sou, acceptera de faire un spectacle digne du Grand-Guignol, pour satisfaire un public masculin désœuvré venu assouvir ses sombres fantasmes.
Mais le client peut demander davantage que le spectacle, et retrouver l’artiste en lieu clos pour la torturer virtuellement.
Christina Hendricks dans un caisson
Ce fantasme était déjà possible dans Strange Days, sorti en 1997: grâce à des vidéos hyper-réalistes, où l’on entre dans l’esprit d’un autre pour vivre un morceau de son existence, toutes sortes de vidéos circulent, y compris les plus noires. Il existe aussi dans Strange Days une sorte d’arrière-salle où l’on peut s’adonner à ses fantasmes inavouables.
15 ans avant Strange Days sortait Videodrome, où une émission de télévision proposait des scènes de torture, non pas fictives mais véritables, en d’autre termes du snuff movie.
Cette émission dangereuse et fascinante promettait monts et merveilles au spectateur, et le poussait à la folie.
La scène où Billy est torturée par Dave rappellera aux admirateurs de Cronenberg celle où James Woods torturait Deborah Harry .
Billy dans son caisson, c’est la version ultime de la femme objet, poupée gonflable ultra-réaliste avec qui l’on peut « jouer » à sa guise.
Un premier film d’une beauté époustouflante
Lost River n’est peut-être pas à conseiller à tout le monde. Beaucoup de spectateurs seront déroutés. Les midinettes qui verront le film par ce qu’elles trouvent Ryan Gosling sexy seront sans doute déçues.
J’espère cependant que beaucoup d’entre vous le découvriront.
Le film de Gosling est violent, terrible, mais d’une beauté époustouflante. Chaque plan est travaillé, tout est pensé, réalisé finement.
La bande originale est envoûtante, la photographie superbe.
On ne comprend pas tout devant Lost River, on s’émerveille. On est bouleversé, puis empli d’espérance.
Ryan Gosling a réalisé un premier film magnifique. Sa ville hantée nous hante, sa beauté onirique nous fait flotter hors de la salle. Pour longtemps.
D’accord, pas d’accord avec l’article ? Postez un commentaire !
Ancienne prof de cinéma en fac, je partage sur Marla's Movies mes analyses de films depuis 2014. Je sais parler de Shakespeare et de Harry Potter dans la même conversation. Je pleure devant les vieux films français et les animations Pixar.
Venez discuter cinéma et séries, je vous aime d'avance.
Tout à fait d'accord avec votre critique. Le film m'a, je l'avoue, totalement dérouté, certaines scènes sont atrocement dérangeantes, mais la façon dont tout cela est filmé, mêlé à de magnifiques décors et couleurs rend tout cela merveilleux. Une claque visuelle, mais aussi auditive, une BO somptueuse accompagnant parfaitement chaque plan. Le casting est intelligemment choisi, une superbe prestation de la part de tous les acteurs. Un premier film assez réussi de la part de M.Gosling, on en demande encore !
Un film d'une beauté époustouflante et magnifiquement réalisé. J'ai tout simplement adoré … Je ne comprends pas comment on peut dire que ce film est "vide" ou n'a pas de sens … A mon humble avis on nous a trop habitué aux films hollywoodiens vide de toute substance humaine … Et dont le but n'est que le profit. Lost River est une magnifique critique des ravages du capitalisme qui déchaine à la fois la violence, la souffrance, la peur … choisir Detroit comme ville n'est anodin en plus. Bref, je recommande fortement. Un film que je reverrai avec grand plaisir … Dommage qu'il ne soit que dans 100 salles, à croire qu'on préfère des navets diffusés eux dans quelques milliers de salles …
Comme je vous comprends ! Certains snobs ont préféré démolir le film en punissant un acteur beau gosse qui a le malheur d'avoir un talent de cinéaste… Allez comprendre…
9 commentaires pour l’instant
AnonymePublié le 10:41 - Avr 6, 2015
ça donne envie, mais je ne sais pas si j''aurai le courage d'y aller….
HavaForEver
MarlaPublié le 7:06 - Avr 7, 2015
Mais si, il faut y aller ! Ne serait-ce que pour le plaisir d'écrire dessus et de me donner ton avis !
Bises cinéphiles,
Marla
AnonymePublié le 9:11 - Avr 7, 2015
Pétard, ta critique donne furieusement envie de le découvrir !
MarlaPublié le 11:25 - Avr 7, 2015
Tant mieux ! C'est le distributeur qui va être content… 🙂
CaptainPublié le 8:05 - Avr 8, 2015
Tout à fait d'accord avec votre critique.
Le film m'a, je l'avoue, totalement dérouté, certaines scènes sont atrocement dérangeantes, mais la façon dont tout cela est filmé, mêlé à de magnifiques décors et couleurs rend tout cela merveilleux. Une claque visuelle, mais aussi auditive, une BO somptueuse accompagnant parfaitement chaque plan. Le casting est intelligemment choisi, une superbe prestation de la part de tous les acteurs.
Un premier film assez réussi de la part de M.Gosling, on en demande encore !
MarlaPublié le 8:24 - Avr 8, 2015
Oui, j'attends avec impatience son prochain film !
AnonymePublié le 6:25 - Avr 10, 2015
Un film d'une beauté époustouflante et magnifiquement réalisé. J'ai tout simplement adoré … Je ne comprends pas comment on peut dire que ce film est "vide" ou n'a pas de sens … A mon humble avis on nous a trop habitué aux films hollywoodiens vide de toute substance humaine … Et dont le but n'est que le profit. Lost River est une magnifique critique des ravages du capitalisme qui déchaine à la fois la violence, la souffrance, la peur … choisir Detroit comme ville n'est anodin en plus. Bref, je recommande fortement. Un film que je reverrai avec grand plaisir … Dommage qu'il ne soit que dans 100 salles, à croire qu'on préfère des navets diffusés eux dans quelques milliers de salles …
MarlaPublié le 8:00 - Avr 13, 2015
Comme je vous comprends ! Certains snobs ont préféré démolir le film en punissant un acteur beau gosse qui a le malheur d'avoir un talent de cinéaste… Allez comprendre…
Bonnes séances et à bientôt,
Marla
AnonymePublié le 8:29 - Sep 13, 2016
Les gens critiquent ce film car on sent l'influence de Refn sur Gosling, pourtant Lost River est très réussi.