
Louis-Julien aurait-il réussi à faire de son utopie une réalité ? on le sait depuis deux jours: les enseignes de supermarché sont aujourd’hui obligées par l’Etat à recycler leurs invendus.
La Loi du marché: l’anti-utopie de Stéphane Brizé
Point d’utopie pour La Loi du marché.
C’est une photographie froide que l’on découvre dès la première image. Pour tout dire, on étouffe: plans serrés, scénario sombre. Tous les plans ou presque montrent un Vincent Lindon dépressif face à une administration en panne, dans du champ / contrechamp ou, plus enfermant encore, une caméra au poing. Il n’y a guère que le passage où Thierry danse le rock avec sa femme et son fils pour respirer un peu.
On rencontre Thierry à Pôle Emploi, tandis qu’il soulève le paradoxe d’une formation inadéquate. Pas le temps de s’attacher au personnage, de le connaître, que déjà on le voit dans le pétrin.
Stéphane Brizé annonce la couleur dès le titre: La Loi du marché. Pendant 1h30, on suit Thierry de difficultés en humiliations, de drames quotidiens en faux espoirs.
Pas un instant de répit: Stéphane Brizé a voulu tout dire, de la lourdeur du chômage à la souffrance des salariés. Il a cherché à résumer, en un film si court, ce que de nombreux documentaires étayent souvent en plusieurs parties. Ce qui marque le plus dans La Loi du marché, c’est le dilemme de Thierry: devoir épier ses collègues caissières pour traquer la faute, et permettre ainsi au magasin de réduire les effectifs.
Les meilleurs documentaires sur le malaise au travail
Le premier auquel je pense est La Mise à mort du travail, de Christophe Nick et Jean-Robert Viallet. Le documentariste avait lui aussi dénoncé les sombres manipulations d’un hypermarché envers les caissières qu’il souhaitait licencier. Kim et ses collègues sont victimes, comme le Thierry de Stéphane Brizé, mais pour de vrai.
C’est Didier Cros qui a le mieux démonté la cruauté de l’entretien collectif. Le Gan, compagnie d’assurance, a reçu un sacré coup dans sa réputation suite au documentaire Infrarouge de France 2.
C’est bien dommage: on aurait pu s’attacher au personnage de Thierry, son histoire aurait dû accéder à l’universalité, tant le mal-être au travail est un fléau social général.
Dans ce même documentaire, on peut écouter l’avis éclairé de Christophe Dejours, psychanalyste et psychiatre, spécialiste du sujet.
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Christophe Dejours, psychiatre spécialiste des questions de souffrance au travail |
Un autre monde du travail est-il possible ?
Là aussi, il s’agissait de filmer plusieurs témoins qui ont souffert de la dureté de l’entreprise, mais ont décidé de s’en éloigner.
Dans Deux Jours, une nuit, les frères Dardenne avaient eux aussi dénoncé la pression exercée sur l’ensemble des salariés pour en licencier une.
Vincent Lindon: une reconnaissance tardive
Vous saviez que Vincent Lindon tournait depuis 1983 ?
On sait depuis longtemps qu’il est bon acteur.
Dans La Crise de Coline Serreau, il campait déjà avec finesse un homme brisé par son licenciement.
Quid, encore, de son rôle de mari désespéré de sauver son épouse des angoisses de la prison ?
Tout le monde a encensé la qualité du premier film, haletant, de Fred Cavayé. Qui a parlé de la composition de Lindon ?
Comme si, après 30 ans de carrière, Lindon faisait juste partie du décor du cinéma français.
Il était temps que la profession salue l’un des acteurs les plus actifs du cinéma français aujourd’hui. Son émotion lors de la remise de prix à Cannes était touchante. Surtout, le choix de ses films, souvent engagés, mérite d’être salué.
Si Stéphane Brizé a les meilleures intentions en dénonçant le monde du travail comme une machine à broyer les âmes, on peut se demander si un documentaire ne serait pas plus instructif, et si l’espoir au cinéma ne serait pas le meilleur antidote à ce que l’on appelle, depuis si longtemps, la crise.
1 commentaire pour l’instant
AnonymePublié le 12:13 - Juin 12, 2015
Sans oublier le très beau film de Jolivet : Jamais de la vie ! 😉
http://wp.me/p1dhwb-1Sl
Marcorèle