
Le premier film qui vient à l’esprit quand on regarde l’épisode de Noël de Black Mirror, c’est Strange Days.
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Strange Days, de Kathryn Bigelow (1995) |
Dans cette dystopie-phare qui fêtera bientôt son vingtième anniversaire, un système perfectionné de vidéo permet de pénétrer l’esprit d’autrui, voir ce qu’il voit, ressentir ce qu’il ressent. Cet enregistrement de la mémoire était déjà le thème d’un autre épisode, « The Entire History of You, » où les citoyens pouvaient se repasser leurs meilleurs souvenirs en boucle jusqu’à en oublier de vivre, comme Lenny, dans le film de 1995.
L’épisode « White Christmas » de Black Mirror reprend l’idée d’entrer dans la tête des gens, mais la pousse à un niveau supérieur.
Où ai-je la tête ?
Une conversation entre deux hommes un matin de Noël ouvre sur un long flashback. Matt (charismatique et séduisant Jon Hamm, à mi-chemin entre Clive Owen et Chris Noth) raconte à Joe (touchant Rafe Spall) ses anciens boulots, pas forcément réglos.
Tout commence par un coaching séduction: un timide maladif cherche à courtiser une belle marginale Se pose vite la question de la schizophrénie. Le jeune homme entend des voix, mais il s’agit de personnes véritables qui le conseillent sur sa façon d’agir. Et les coachs sont performants: une petite recherche faciale (merci Facebook et Google) et hop ! on connaît tout de la demoiselle, ses goûts et ses aspirations. Ce coaching est illégal, certes, mais tellement efficace.
L’épisode se concentre donc sur l’esprit, et conserve le thème cher à la série de ce que la technologie peut faire pour nous, mais aussi contre nous.
Une jeune femme riche (Oona Chaplin, Talisa Maegyr dans Game of Thrones) décide d’avoir une nouvelle domestique. Seulement, elle veut que tout soit exactement à son goût. Rien de tel, alors, que de tout faire soi-même. Mais pourquoi se fatiguer, si l’on peut créer son propre clone ? Nous parlions ici du clonage de confort, et ici du courage de Robin Wright d’affronter dans un rôle la possibilité de son remplacement par un double numérique.
Cette fois, Charlie Brooker se met du côté du clone. Que ressent-elle ? S’agit-il d’un être puisqu’elle est pensante, bien que dépourvue de corps ? C’était déjà le débat soulevé par Spike Jonze dans Her. Le clone souffre, pense, se rebelle, et il faut le mater avec sévérité.
Le châtiment du clone dans cet épisode rappelle la torture du personnage de Stefan Zweig dans Le Joueur d’échecs.
Le sadisme de Black Mirror (Attention spoilers)
Zweig contait l’histoire d’un homme emprisonné par les nazis dans une chambre dont il ne sortait que pour les interrogatoires. Étonnamment, la chambre est confortable, et le personnage se considère un temps comme privilégié. Mais il se rend compte de la nature de son châtiment: rien à faire dans cette chambre, pas un livre, pas un crayon, rien d’autre que son propre esprit comme prison infernale.
C’est alors qu’il trouve un livre sur les plus grandes parties d’échecs. Il s’y consacre tout entier jusqu’à devenir un génie du jeu.
La cause des clones
Pour le clone de Black Mirror, point de livre. Juste la torture d’une salle vide pour qu’elle consente enfin à travailler… pour elle-même.
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Clone prisonnière dans l’épisode « White Christmas » de Black Mirror |
Défendre la cause des clones était déjà l’idée de Kazuo Ishiguro dans sa dystopie de 2005, Never Let Me Go, traduit en français par Auprès de moi toujours.
Ce livre a été adapté au cinéma en 2010.
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Prison futuriste dans Minority Report, de Steven Spielberg (2002) |
L’effet boule à neige
The penguin was alone in there, I
thought, and I worried for him. When I told my father this, he said,
« Don’t worry, Susie; he has a nice life. He’s trapped in a
perfect world.
Le pingouin était tout seul là-dedans, et je m’inquiétais pour lui. Quand je l’ai confié à mon père, il m’a dit « Ne t’inquiète pas , Susie: sa vie est agréable. Il est piégé dans un monde idéal. »
Le double visage de Black Mirror
d’enfant. Cependant, on peut se demander si ces questions ne sont pas traitées avec un versant sadique qui jouerait sur les mécanismes que Black Mirror prétend dénoncer.
Une manière de gagner des téléspectateurs deux fois: les adeptes de télé à sensations d’un côté, et ses détracteurs de l’autre, qui regarderont la série d’un œil avisé.
2 commentaires pour l’instant
Paris frenchtouchPublié le 11:01 - Déc 28, 2014
bon article bien référencé bien vu Endemol C les rois de l'illusion
MarlaPublié le 11:10 - Déc 28, 2014
Hélas… Ça me gêne presque d'être fan de la série.
On n'est jamais content. 😉